Enfants à besoins particuliers... et mission des CPE/BC

edito elyse
 
 
Il y a déjà plusieurs années, apparaissait dans le décor québécois l’Observatoire des tout-petits, une organisation vouée à la transmission de données et de réflexions visant à éclairer la prise de décision au sein des instances concernées et les acteurs d’influence. En ce mois de septembre 2023, l’Observatoire sort un nouveau rapport sur l’état de la situation en matière de réponse aux besoins des tout-petits ayant des besoins particuliers.
 
Les CPE/BC répondent généralement avec empressement lorsqu’il s’agit d’intégrer un enfant dont l’accueil nécessite des ajustements. Il n’est plus rare de retrouver des milieux qui ont adapté leurs locaux, leur matériel, leur formation, leurs outils d’interventions. Mais si l’Observatoire a considéré qu’il était temps de mener une enquête approfondie et de déposer un rapport sur les défis, les enjeux et les besoins non comblés, c’est nécessairement qu’il y a de l’eau dans le gaz.
 
Interrogés dans le cadre du projet Soutien présenté au ministère de la Famille en avril 2022 par les chercheuse Gabrielle Pratt et Audrée Jeanne Beaudoin de l’Université de Sherbrooke, des gestionnaires de services de garde éducatifs avaient mentionné à 91% avoir des besoins non comblés en matière de soutien professionnel pour l’intégration d’enfants à besoins particuliers. Cette donnée n’est pas surprenante quand on constate que 57% des personnes qui apportent ce soutien professionnel, interrogées dans le cadre de la même enquête (éducatrices spécialisées, orthophonistes, etc.), disaient travailler moins d’une heure par semaine dans chaque milieu visité.
 
C’est une évidence : si les enfants sont privés de service de garde éducatif de qualité, les conséquences sont désastreuses pour lui et pour sa famille.
 
D’abord pour l’enfant, qui risque de ne pas se développer à son plein potentiel et de ne pas pouvoir jouer un rôle actif dans la société, puis pour sa famille, qui est touchée physiquement, mentalement et financièrement. La société aussi est perdante, sur les plans social et économique, compte tenu des coûts de santé de ne pas agir tôt et de la perte de revenus liée à la difficulté des parents de se maintenir sur le marché du travail, entre autres.
L’Observatoire de Tout-petits. Rapport Tout-petits ayant besoin de soutien particulier. Comment favoriser leur plein potentiel? (page 78).
 
Mais une fois qu’on a dit cela, que tous ont convenu qu’il s’agissait d’une évidence, que fait-on? Pourquoi les outils, les efforts, les initiatives sont-ils toujours inopérants ou insuffisants? Pourquoi les parents et les milieux d’accueil ont-ils tant de difficultés à franchir les ponts qui devraient les réunir? Car en effet, pour de nombreuses familles, trouver un lieu et des personnes qui répondront aux besoins de leur enfant est un véritable parcours du combattant. Un parcours qui se solde encore trop souvent, malheureusement, par une longue série d’échecs. Sans parler de nombreuses familles dont un parent est obligé de quitter le marché du travail pour pallier le manque de ressource extérieure.
 
Le rapport de l’Observatoire pointe quelques éléments cruciaux qu’il faudrait absolument revoir.Ce qui est un peu frustrant, d’ailleurs, c’est que ces éléments ont été régulièrement soulevés au cours des dernières… décennies par les cadres des CPE BC. 
 
En avril dernier justement, une délégation de cadres membres de l’ACCPE est allée à la rencontre du Cabinet de la ministre de la Famille Suzanne Roy pour souligner les incohérences, les «problèmes terrains» en lien avec les barrières à l’accueil des enfants ayant des besoins particuliers, et plus particulièrement avec la Mesure exceptionnelle de soutien à l’intégration dans les services de garde pour les enfants handicapés ayant d’importants besoins. Il y a été question des délais interminables pour le dépistage et le diagnostic, de la situation parfois très complexe des enfants ayant d’importants problèmes de comportement, des défis particuliers rencontrés dans les services de garde éducatifs en milieu familial, de la confusion et du manque d’information transmise, de la complexité des formulaires et de la lourdeur de la bureaucratie, de  la méconnaissance du rôle des CPE/BC qui sont des lieux d’accueil et non de réadaptation, de l’inadéquation entre les subventions reçues et le coût réel des ressources, du manque de communication entre les ressources, etc.
Toujours les mêmes récriminations, toujours les mêmes besoins, toujours les mêmes questions.

Alors que faire?

 Il est certain que le problème touche concrètement les CPE et les BC en tant que structures, et non les gestionnaires comme personnes. Et pourtant… Au premier rang des influenceurs sociaux, on retrouve justement nos directions générales et adjointes. Si la problématique doit être considérée comme un enjeu de société plutôt que comme une situation d’ordre privé, cela signifie que les solutions doivent être adoptées collectivement et qu’au-delà du partenariat, un réel dialogue doit être entretenu entre les acteurs. Une réelle volonté de changer. Et pourquoi pas, de SIMPLIFIER et ALLÉGER les démarches, les procédures, les règles et les dispositifs mis en place qui n’ont clairement pas encore réussi à faire leurs preuves. Il arrive en effet que la manière dont on essaie d’atteindre un but peut avoir un effet négatif sur l’objectif lui-même! Il faut choisir des méthodes appropriées et efficaces pour atteindre ses objectifs et non pas opter pour des méthodes qui nuisent.
 
Le décloisonnement des chasses gardées est aussi l’un des gages d’amélioration, s’il n’en est le plus important. Dans son rapport, l’Observatoire fait référence aux pratiques intersectorielles, lance un appel à la concertation et au partenariat, ce que nous appuyons sans réserve. En autant que chacun des partenaires respecte les compétences des autres… Il faut éviter à tout prix de maintenir les silos entre les différents réseaux, et penser autrement.
 
L’Association des cadres des CPE remercie l’Observatoire des Tout-petits pour avoir mis en lumière les malheureuses épreuves encore existantes en matière d’intégration. C’est avec espoir que nous entrevoyons un avenir plus lumineux pour ces enfants et ces familles, un avenir où les organisations, les professionnels, les instances décisionnelles et les réseaux vont accueillir ces enfants comme des enfants à part entière.
 
Élyse Lebeau, MBA, Adm.A,
Le 13 septembre 2023

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